Les différents systèmes du gainage du pied

Avant de commencer Ce chapitre est basé sur une publication ayant fait beaucoup de bruit de part son approche novatrice sur le système de gainage du pied. Certains la dénoncent comme n'étant pas basée sur des preuves et d'autres l'acclament comme un concept extrêmement prometteur. Cet article a été co-écrit par 4 auteurs :
- Mc Keon un spécialiste de la physiologie et du contrôle sensori-moteur, notamment chez les sportifs de haut niveau. Il a énormément travailler sur la stabilité de la cheville.
- Hertel spécialiste en kinésiologie.
- Bramble un professeur en biologie spécialisé en évolution humaine. Il a notamment co-écrit une publication dans "Nature" qui prône la course à pied avec les pieds nus.
- Irene Davis professeur en réhabilitation à Harvard, qui prône les pieds nus.

Donc les auteurs sont des experts convaincus des avantages des pieds nus, et leurs croyances pourraient influencer leur écrit.

Notre point de vue :

Dans le corps humain une structure non utilisée s'atrophie, perd de sa fonction. Il ne serait donc pas étonnant que le port de chaussures puisse interférer avec le fonctionnement normal des muscles du pied.

Le pied étant un élément clef de la propulsion, un trouble de celui-ci peut donc être un facteur participatif à des pathologies de surcharge du membre inférieur. Il est donc intéressant de s'informer sur les apports de cette théorie, notamment en terme d'exercices spécifiques du pied qui nous donne des outils intéressant pour une prise en charge plus personnalisée et globale des patients présentant des pathologies de surcharge chronique du membre inférieur.

Le système de gainage du pied est subdivisé en 3 sous-systèmes :

1. Le sous-système passif

Le sous-système passif du gainage du pied se compose des os, des ligaments et des capsules articulaires. Ces 3 éléments maintiennent les différentes arcades du pied.

La configuration fonctionnelle de l’anatomie osseuse du pied se traduit par quatre arcades distinctes qui comprennent les arcades longitudinales latérales et médiales ainsi que les parties antérieures et postérieures des arcades métatarsiennes transversales.1 Bien que souvent considéré comme des structures isolées, McKenzie² a proposé que ces arcs fusionnent en un demi-dôme fonctionnel chargé de s’adapter de manière flexible aux changements de charge au cours des activités dynamiques (voir figure 1). Ce demi-dôme a été pensé pour être principalement soutenu par des structures comprenant l’aponévrose plantaire (voir figure 2A) et les ligaments plantaires (voir figure 3). Cependant il est également soutenu par les muscles intrinsèques et extrinsèques du sous-système actif.3

Figure 3 : Ligaments plantaires principaux qui apportent de la stabilité en longitudinal et en transversal. McKeon et al. (2015)

Figure 1 : Demi-dôme fonctionnel de Mc Kenzie. McKeon et al. (2015)

Figure 2 : (A) Alignement du fascia plantaire – (B) Relation anatomique entre le fascia plantaire et le tendon d’Achille. McKeon et al. (2015)

2. Le sous-système actif

Le sous-système actif se compose des muscles et des tendons qui s’attachent sur le pied. Les stabilisateurs locaux du pied sont les muscles intrinsèques plantaires qui proviennent et s’insèrent sur le pied. Les « global movers » sont les muscles extrinsèques qui proviennent de la jambe et se terminent sur le pied. Au niveau des muscles intrinsèques, on retrouve des muscles du côté plantaire et du côté dorsal du pied. Les muscles plantaires sont divisés en 4 couches, parmi les 4, 2 sont alignés avec les arches longitudinales médiales et latérales, alors que les 2 autres plus profondes sont alignées avec les arches transversales postérieures et antérieures. Ces muscles intrinsèques modulent l’arche en fonction de l’activité et du poids supporté de manière synergique et modulaire.

Les muscles extrinsèques du pied permettent de générer les mouvements du pied via leurs longs tendons et permettent également de moduler les structures via le sous-système passif. Par exemple le triceps sural, via la connexion entre le tendon d’Achille et le fascia plantaire, transmet sa propre tension au fascia plantaire.4 Durant la marche, leurs mises en tension permettent donc la propulsion, mais aussi en même temps et de manière synchronisée une mise en tension du dôme plantaire.

Insertions des tendons des muscles l'extrinsèque du pied sur la surface plantairedu pied. (A) Les insertions du long fléchisseur des doigts, long fléchisseur de l'hallux et long fibulaire sont représentés. Notez l'alignement longitudinal des tendons fléchisseurs qui permet de contribuer à la stabilité longitudinale du pied. Le long fibulaire lui soutien l'arche transversale. (B) L'insertion de le tendon tibial postérieur est représenté avec les tendons de la figure 1A. Notez les insertions répandues du tendon tibial postérieur à travers le tarse et les métatarses ce qui lui permet de contribuer à la stabilité des arcades longitudinale et transversale. Mc Keon et al. (2015)

Les nombres correspondent aux muscles comme suit: (1) abducteur de l'hallux, (2) court fléchisseur des orteils, (3) court abducteur du Ve orteil, (4) carré plantaire (noter son insertion dans le tendon fléchisseur des doigts), (5 ) lombricaux (notez leur origine du tendon long fléchisseur des doigts), (6) fléchisseur du Ve orteil, (7) adducteur oblique de l'hallux (a) et transversale (b), (8) cour fléchisseur de l'hallux , (9) interrosseux plantaire, (10) interrosseux dorsal et (11) court extenseur du Ve orteil. Mc Keon et al. (2015)

Les muscles intrinsèques du pied sont donc extrêmement importants, on peut leur attribuer 5 caractéristiques principales :

1. Supporter l’arche de la voute plantaire : une diminution de la fonction des muscles intrinsèques entraine des effets délétères de la posture du pied^{9, 10} . Nous savons aujourd’hui que leur entrainement améliore la posture du pied.11, 12

2. Ils sont dépendants de l’activité : Les muscles intrinsèques du pied sont plus actifs dans les activités dynamiques comme la marche, alors qu’ils le sont moins sur la position debout simple en comparaison13

3. Ils sont dépendants de la charge : plus la charge posturale est forte, plus leur activité augmente. Par exemple ils sont beaucoup plus actifs lors d’un appui monopodal qu’un appui bipodal14

4. Synergiques : Les muscles intrinsèques du pied travaillent comme une unité pour fournir un support dynamique à la voute plantaire pendant la phase de propulsion de la marche¹⁵

5. Action modulée : Ils supportent le pied dans son rôle de plateforme stable à la position debout. Mais ils peuvent devenir un levier de propulsion du corps dans les activités dynamiques.1

3. Le sous-système neural

Le sous-système neural est constitué des récepteurs sensoriels du fascia plantaire, des ligaments, des capsules articulaires, des muscles et des tendons, qui contribuent aux systèmes passifs et actifs. Les capteurs sensoriels des muscles intrinsèques du pied sont sensibles à la fatigue. En effet chez des patients sains, après des contractions répétées occasionnant de la fatigue, la chute du naviculaire en position debout augmente significativement. Ce qui indique une modulation de la sensibilité des capteurs par la fatigue et donc par l’entrainement.5, 6

Cette fatigue musculaire des muscles intrinsèques entraine également une diminution de la qualité du positionnement dans d’autres zones du membre inférieur7, ce qui indiquerait que les muscles intrinsèques du pied apportent des informations sensitives sur la position du dôme du pied au reste du membre inférieur de la même manière que la zone lombo-pelvienne apporte des informations pour le positionnement du tronc.8

Ce qu'il faut retenir

Figure 4 : Adapté par physio-learning.com : Système de gainage du pied. Les sous-systèmes, neural, passif et actif qui produisent le gainage du pied et apportent la stabilité et la flexibilité face aux besoins du pied.

Bibliographie 1. Gray H, Standring S, Ellis H, et al. Gray’s anatomy : the anatomical basis of clinical practice 39th edn. New York: Elsevier Churchill Livingtone, 2005.
2. McKenzie J. The foot as a half-dome. Br Med J 1955;1:1068–9. 3. Ridola C, Palma A. Functional anatomy and imaging of the foot. Ital J Anat Embryol 2001;106:85–98.
4. Cheung JT, Zhang M, An KN. Effect of Achilles tendon loading on plantar fascia tension in the standing foot. Clin Biomech 2006;21:194–203. 5. Headlee DL, Leonard JL, Hart JM, et al. Fatigue of the plantar intrinsic foot muscles increases navicular drop. J Electromyogr Kinesiol 2008;18:420–5.
6. Janda V, Vavrova M, Hervenova A, et al. Sensory motor stimulation. In: Liebenson C. ed Rehabilitation of the spine: a practitioner’s manual. 2nd edn. Lippincott Williams & Wilkins, 2006. 7. Hiemstra LA, Lo IK, Fowler PJ. Effect of fatigue on knee proprioception: implications for dynamic stabilization. J Orthop Sports Phys Ther 2001;31:598–605.
8. Boucher JA, Abboud J, Descarreaux M. The influence of acute back muscle fatigue and fatigue recovery on trunk sensorimotor control. J Manipulative Physiol Ther 2012;35:662–8. 9. Fiolkowski P, Brunt D, Bishop M, et al. Intrinsic pedal musculature support of the medial longitudinal arch: an electromyography study. J Foot Ankle Surg 2003;42:327–33.
10. Headlee DL, Leonard JL, Hart JM, et al. Fatigue of the plantar intrinsic foot muscles increases navicular drop. J Electromyogr Kinesiol 2008;18:420–5. 11. Drewes LK, Beazell J, Mullins M, et al. Four weeks of short foot exercises affect lower extremity function, but not alignment, in patients with lower extremity injuries. J Athl Train 2008;43:S105.
12. Mulligan EP, Cook PG. Effect of plantar intrinsic muscle training on medial longitudinal arch morphology and dynamic function. Man Ther 2013; 18:425–30. 13. Mann R, Inman VT. Phasic activity of intrinsic muscles of the foot. J Bone Joint Surg Am 1964;46:469–81.
14. Kelly LA, Kuitunen S, Racinais S, et al. Recruitment of the plantar intrinsic foot muscles with increasing postural demand. Clin Biomech (Bristol, Avon) 2012;27:46–51 15. Mann RA, Hagy JL. The function of the toes in walking, jogging and running. Clin Orthop Relat Res 1979(142):24–9.